Pesticides et paradoxes humains Pesticides et paradoxes humains
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On ne peut que se féliciter que l’Anses monte – enfin – au créneau pour mettre en garde tout un chacun à propos de l’usage des biocides et autres pesticides à la maison (lire en page 20). Non pas pour participer au « pesticides bashing » qui bat son plein – pour cela, il y a déjà Générations Futures et les Coquelicots –, mais parce qu’il est utile que la parole officielle sensibilise les particuliers aux bonnes pratiques vis-à-vis de produits à risques. D’autant plus qu’on opère ici en atmosphère confinée et que le réflexe de ventiler après traitement n’est pas usuel. Un quart des ménages ne lisent jamais les précautions pour les produits contre les insectes volants, nous apprend par exemple l’Anses ! « Alors, on regarde d’abord dans son placard et on suit les modes d’emploi avant de dire aux agriculteurs comment faire », commentait une internaute dans un tweet cinglant.
S’il faut saluer cette initiative inédite, c’est aussi parce qu’elle place nos concitoyens face à leurs propres contradictions et qu’elle devrait les conduire à une certaine introspection… En d’autres termes, les Français n’appliquent pas à eux-mêmes ce qu’ils exigent des agriculteurs, et sont très loin d’observer des principes « éco-phytos ». Des preuves ? Selon l’Anses, 60 % d’entre eux se débarrassent de ces produits dans la poubelle et certains même dans l’évier, c’est dire l’éducation qu’il reste à faire ! Le pompon est sans doute atteint avec les traitements antipuces, via un néonicotinoïde interdit en agriculture, appliqués sur chiens et chats, que l’on caresse de suite derrière et avec lesquels parfois des enfants s’endorment ! Évaporé, le principe de précaution…
Mais les paradoxes ne sont pas que du côté des utilisateurs. Comment expliquer que l’on autorise encore des insecticides antipoux comme les pyréthrines directement sur le cuir chevelu des enfants ? Le malathion, un organophosphoré interdit en agriculture depuis 2008, n’a été retiré qu’en décembre dernier.
Alors que le grand public dénie de plus en plus aux agriculteurs le droit de traiter, mais ne se pose guère de questions sur ses propres pratiques, on peut lui prédire quelques retours de bâton. À l’instar de ce quartier de Saint-Malo envahi par la piéride du chou, émanant d’un champ voisin non protégé. Ou de cet agriculteur de Seine-et-Marne, appelé à la rescousse de riverains indisposés par des insectes et incité par le maire à traiter ses repousses. Des ZNT, on en reparlera forcément…
Si les Français ont complètement perdu le fil de la protection des cultures, il serait peut-être temps de se retrousser les manches et de leur réexpliquer l’enjeu. Mais qui veut vraiment s’y coller ?
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